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à la poignée de fuyards qui avaient pu s’échapper et se dirigeaient sur Fort Orange.

L’industrieuse bourgade de Deerfield présentait un lamentable spectacle de destruction et de désolation. Des pans de murs en braises qu’attisait la bise éclairaient la scène d’un reflet blafard. Du sein des débris calcinés où grouillait encore de la vie issaient, à intervalles, des plaintes d’agonie, des râles pénibles, des hoquets moribonds. Un liquide rouge noirâtre, fait de neige fondue, de sang et de cendre délayés ensemble, dégoulinait le long des pentes et se congelait aux mocassins. Çà et là, des cadavres aux faces effarées semblaient vivre encore tant était saisissante leur expression d’effroi. Des yeux résorbés louchaient hébétés, des têtes que le scalpe avait calottées de pourpre riaient sinistrement de blessures béantes, comme faites à plaisir et qui semblaient autant de lèvres épanouies.

De nouveau, la paix régnait à Guarfil, la paix du silence, la paix de la mort ! « Ubi solitudinem faciunt, pacem appellant ».

Seuls, dans la forêt voisine où fulgurait la lueur de l’incendie, les loups, alléchés par l’âcre relent du sang fumant et de la chair qui grille au brasier, hurlaient lugubrement.