Page:Massé - Mena’sen, 1922.djvu/56

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 56 —


VII


Au confluent de l’Alsiganteka et de la Potegourka (la rivière aux cascades)[1], à l’endroit appelé Cktiné, abbréviation de Cktinékétolék8âk (la plus grande fourche)[2], se trouve, au milieu des eaux, un islet rocheux ou plutôt un rocher dont le sommet émerge de l’eau.

C’est Mena’sen ou l’isle-rocher !

La mythologie indienne attribue à pareil accident géographique ou, si vous préférez, hydrographique, un sens mystérieux. Pour eux, c’est comme une espèce de dieu terme miraculeusement surgi des flots lequel vous barre la route et réclame hommage. Aussi, on ne passe pas outre, à moins d’être un kaza8ijaka, c’est-à-dire un libertin ou un mécréant. Comme toujours, la routinière tradition est venue prêter main forte à la superstition et celle-ci s’est tellement bien implantée dans l’esprit tourmenté de l’indien que même les robes noires n’ont pu l’en extirper.

Pourtant, le rocher n’affecte aucune forme symbolique ! Peut-être est-ce précisément pour cette raison que l’imagination de ces mystiques enfants des bois croit y distinguer confusément la forme indécise, les contours vagues d’un animal ou même d’un objet comportant une signification occulte qui concerne l’issue de l’entreprise projetée et qu’interprète religieusement l’homme de la circonstance, le sked8a8asino inspiré.

Selon qu’on le regarde d’aval ou d’amont, selon que sa masse se tapisse de givre, se couvre de neige ou se vêt de lichen, que le tor-

  1. la rivière Magog.
  2. Sherbrooke.