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Appendue au mur une tapisserie représente Rébecca qui, consciente du regard averti que lui décoche Eliézer, fait valoir son galbe, un poing sur la hache tandis que l’autre main supporte l’amphore sur son épaule. À droite, une panoplie exhibe quelques armes d’hast qui semblent regretter le temps passé. Il ne faut pas oublier une espèce de casier ou bibliothèque contenant force paperasses mais peu d’elzévirs : un ou deux livres de prières, la Relation de Joinville, le censier et le terrier, voilà toute la littérature du manoir.

Le sieur Crevier occupe un fauteuil capitonné de mancade et au dossier très haut où s’étale un paragraisse de burat ouvré qui proclame le souci de la propreté chez la ménagère. Maugras, lui, est assis près de la fenêtre et, en prêtant l’oreille, on peut saisir leur conversation :

— Je vous ai mandé, mon cher Philippe, pour vous faire assavoir une décision de conséquence que vient de me communiquer Monseigneur de Vaudreuil. Dans un conseil tenu à Kébecq, la semaine dernière, on a décidé de porter la guerre chez les Bastonnais…

— Mais on disait la paix conclue pour longtemps ! Est-ce que Schuyler a ouvert les hostilités ?

— Que non, et pour une fois c’est nous qui agressons.

— Monsieur Crevier, je suis capitaine de milice et n’ai qu’à me conformer, sans les critiquer, aux ordres venus de mes supérieurs. Toutefois, je puis bien m’autoriser de la confiance dont vous m’avez toujours honoré pour mettre en doute la sagesse de ce projet.

— Écoutez, Maugras, je vous ai toujours témoigné de l’amitié parce que je la savais bien placée ; voilà pourquoi je ne vous ca-