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Qu’importe d’ailleurs que l’ameublement soit de style vénitien ou Renaissance ? Qu’importe encore que la dinanderie soit bien écurée ? Le lecteur sera-t-il plus avancé si nous lui disons que les murs sont tendus de tapisserie de cariset en point de Hongrie, que les fauteuils sont couverts de camelot onde ou decadis d’Aignan ? Supposons que la bourgeoise est vêtue de gros de Naples ou de ferrandine. Et après ?… Faudra-t-il que je palpe la jupe de Célestine, la femme de chambre, ou la mante de Gertrude la cuisinière, pour vous assurer que celle-ci est de moraine et celle-là de pinchina, qu’elles portent, l’une une gourgandine de calmande et l’autre un jupon de basin rayé bleu et blanc, etc.

Lecteur, nous sommes en 1704 et, bien qu’il s’agisse d’un intérieur cossu, vous trouveriez que la châtelaine est mal fagotée, vous diriez que les hôtes du manoir sont ridiculement attifés et qu’ils sont bien loufoques. Sans doute, ceux-ci ne comprendraient point cette remarque, mais votre curiosité messéante, votre rire irrévérencieux ne manqueraient pas de les froisser. Ils pourraient vous trouver bien osés d’intrure ainsi emmy les gens pour les gausser !

Aussi, je me contenterai de vous introduire dans une petite pièce où le seigneur donne audience à ses censitaires et où, en ce moment, il converse, plein d’animation, avec Philippe Maugras.

Cette pièce est sobrement meublée, sans piaffe : un lourd pupitre en noyer dont le dessus est couvert en serge verte et où sont disposés, sans ordre, un cornet d’encre, quelques pennes, des plans, une mappe, etc. ; un fauteuil, cinq ou six chaises, un porte-manteau garni d’une demi-douzaine de patères, voilà tout l’ameublement.