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sujet et régler ses voiles selon le vent qui soufflera, que le châtelain reçoit ce soir. C’est son parlement, ses états généraux qu’il a plu à Sa Seigneurie semondre par devant elle : le clergé, la noblesse et le tiers-état y sont en effet représentés.

Aussi, une fois échangées les banalités de rigueur, les singeries et grimaces protocolaires, les groupes se dessinent suivant la diversité des idées, car l’assemblée manque évidemment de cohésion, d’affinité. Toutes ces protestations, tous ces compliments, sonnent faux, on cherche à se guiller, à se donner le change, mais une fois les formules cérémonieuses épuisées, les mêmes aspirations se cherchent, les mêmes préjugés s’associent. La sélection s’opère d’elle-même. Chaque clan a sa complexion particulière. Il n’y a de vraiment commun entre les factions que l’intransigeance. Il suffit d’un coup d’œil pour se convaincre combien c’est bigarré. Il y a là des gens d’épée et des gens de robe, des bourgeois cossus et des fonctionnaires râpés, des clercs et des lais, des citadins et des campagnards, des gens de qualité et des gens de quantité, des petites gens et des… Gros-Jeans.

M. de Ramezay a à se plaindre de M. de Beauharnois qui, lui, jalouse M. de Vaudreuil. Hertel, qui se fait vieux, et le « père » Boucher, qui l’est, voudraient que l’on cessât de guerroyer pour coloniser. Le sieur de la Chesnaye, pourvoyeur des milices, ne l’entend pas de cette oreille. Chartier de Lotbinière et Ruette d’Auteuil se détestent cordialement… à cause d’une belle, dit la rumeur publique. Messire des Maizerets reluque d’un œil méfiant le Gardien de ces Récollets qu’on n’a pas encore absouts de tout soupçon de gallicanisme. Ajoutons que l’acrimonieuse querelle des dîmes n’est pas faite pour rasséréner l’atmosphère orageux.