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enfant étendue devant lui, luttant désespérément pour sa jeunesse, pour son amour, c’était son œuvre. À cette vue, à cette pensée, des sanglots de désespoir le secouaient, ses doigts crispés enserraient son front comme pour en faire jaillir une idée, une inspiration qui pût sauver celle dont la vie — il le sentait bien — allait s’éteignant comme une lampe qui manque d’huile.

Si la chose eut été possible, il aurait rebroussé chemin, il serait retourné se livrer aux Abénaquis, offrir sa vie pour sauver la malheureuse qu’il avait ainsi engagée dans cette aventure insensée. La veille tandis que la jeune fille dormait, il avait erré dans la forêt puis escaladé le promontoire et, de cette altitude, il avait appelé éperdument, crié son effroi, gémi sa détresse de toute la force de ses poumons, espérant qu’il serait entendu de quelque sauvage ami ou ennemi. Personne que l’écho moqueur n’avait répondu à ses appels déchirants.

Autant il avait jusque-là recherché la solitude et désiré le silence comme des alliés favorisant son projet, autant il déplorait maintenant l’absence de tout être humain. Il se rongeait les poings en songeant combien, malgré sa jeunesse et sa force herculéenne, il était faible, impuissant. La morgue, la suffisance du civilisé tombaient et il enviait au vil peau-rouge un peu de cet instinct qui, chez les visages-pâles, est l’apanage des savants. Livré à sa seule initiative, avec, pourtant, à sa portée, des ressources incalculables, il ne savait faire du feu, il ne savait choisir, dans l’herbe qu’il foulait, quelque plante fébrifuge. Et quand, affolé, cabré, il rugissait de désespoir, tel un lion enchaîné, l’écho sans pitié ricanait de dérision !