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On était enfin arrivé à Ktiné. au confluent de la Potegourka avec l’Alsiganteka. Le jeune homme, avisant, non loin du rivage un endroit tapissé de mousse épaisse y déposa la jeune fille qui défaillait et dont les jambes refusaient de la porter plus loin. Il courut ensuite à la rivière chercher de l’eau fraîche et, maternellement, pour ainsi dire, baigna les pieds contus de sa fiancée sur lesquels il appliqua ensuite des feuilles triturées de plantain. Sous sa tête, en guise d’oreiller, il disposa une botte de jonc. Elle, accablée, put à peine remercier d’un pâle sourire tandis qu’une larme de gratitude perlait à sa paupière. Une sensation de bien-être la transfigura et la relaxation qui s’opérait dans tous ses membres ne tarda pas à amener le sommeil.

Robert mit sur son front un chaste baiser, contempla, un instant, cette figure de cire où la fièvre mettait son fard et, sans s’abîmer dans les sombres pensers qui l’envahissaient, il se raidit, essuyant d’un geste résolu les larmes brûlantes qui lui obscurcissaient la vue. C’était à elle qu’il fallait songer, lui ne s’appartenait pas, il n’avait pas le droit de pleurer : même cette forme d’égoïsme lui était refusée.

La jeune fille malade manquait de nourriture. Épuisée par la longue marche qu’ils avaient fournie, n’ayant eu pour se sustenter que les baies et fruits sauvages qu’ils avaient grappillés de ci de là, elle était dans un état de faiblesse extrême. Hélas ! que faire ? En supposant qu’il aurait pu capturer du gibier, le jeune homme se trouvait sans moyen de faire du feu afin de pouvoir préparer quelque bouillon réconfortant. Cette impression d’indigence au sein même d’une nature plantureuse ne faisait qu’aviver son tourment, tandis qu’il errait désespéré, cherchant, l’œil hagard, les poings crispés, il ne savait quoi…


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