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broussaient chemin, tournaient comme en un cercle vicieux et se retrouvaient, fatigués, exténués, à l’endroit d’où ils étaient partis.

Pourtant, Robert était habitué à la forêt, il savait s’y orienter et, s’il eut été seul, il aurait pu sans peine se repérer dans ce labyrinthe. Mais il voulait, autant que possible, épargner la fatigue à sa fiancée en cherchant le tracé le plus court et le moins embarrassé, en évitant les cavées et les dos d’âne, en rompant le lacs infranchissable de lianes emmêlées qui, à chaque pas, garrottait ses jambes meurtries.

Et quelles nuits d’horreur ils passèrent alors, elle, dormant d’un sommeil agité, en proie au cauchemar, se réveillant en sursaut et fondant en larmes, lui, fermant l’œil à peine malgré sa fatigue, contemplant sa fiancée endormie, s’alarmant au moindre bruit dont l’écho emplissait la forêt mystérieuse, craignant toujours de voir luire, dans les ténèbres, les prunelles flamboyantes de quelque loup féroce ou d’un ours affamé. Le moindre friselis le faisait frissonner comme au frissement d’une flèche.

La jeune fille reposée, la corvée reprenait de plus en plus harassante. Leurs pieds se déchiraient aux cailloux dissimulés sous les hautes herbes et leurs bras s’excoriaient aux sarments de ronces qui agrippaient et déchiraient leurs vêtements. Les branches leur fouettaient cruellement la figure, les épines des cenelliers leur ortiaient l’épiderme, des tiges au suc vénéneux leur érodaient les mains. Et dans ce maquis où nulle brise ne pénétrait, ils suffoquaient presque tandis que les insectes, maringouins, frelons ou brûlots, les harcelaient sans pitié. Dans ces milles blessures la transpiration mettait son salpêtre brûlant.