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l’îlot errant de waterloo

dant jamais, le volage, se ranger pour de bon, faire une fin.

Mais la raison, le pourquoi de ces allées et venues insolites sinon contre-nature ?

Il ne saurait s’agir de supercherie ou de fumisterie. Puisque la performance remonte à 1812, il ne peut non plus être question d’automob…île. Au surplus, je ne sache pas que le machinisme même moderne ait jamais prétendu mobiliser de la sorte tout un pan de forêt. Ce serait vraiment trop commode pour l’industrie du bois si l’on pouvait ainsi pratiquer le flottage… sur pied.

Mais alors, quelle explication donner, quelle théorie proposer ?

Un savant aurait recherché une cause scientifique et, n’en trouvant pas, n’aurait pas manqué d’en supposer une. Il n’y a rien de moins réfutable qu’une théorie dite scientifique soutenue avec assurance par un bachelier quelconque (j’allais dire bateleur), à grand renfort de termes pédantesques et obscurs, même — je devrais dire : surtout — si elle n’est étayée d’aucune donnée bien plausible. La science, la misérable science n’est souvent qu’un trompe-l’œil dont se leurrent les faibles esprits forts qu’offusque le surnaturel.

Je me suis, en toute bonne foi, imposé la tâche de pénétrer ce mystère, cet énigme. J’ai fait des recherches élaborées, j’ai suivi toutes les pistes, j’ai examiné à fond toutes les hypothèses, j’ai glané les vieux papiers de famille, scruté les archives, questionné les descendants des pionniers, j’ai, en un mot, retourné chaque pierre pour faire mon enquête complète et consciencieuse. De la masse des renseignements recueillis, il ressort, à n’en pas douter, que l’ilôt de Waterloo est ensorcelé, ni plus ni moins.

Vous souriez, incrédules ! Je m’y attendais. J’ai levé les épaules, moi aussi, quand on a prononcé le mot « sortilège ». J’avoue sans fausse honte que mon scepticisme a dû en rabattre quand il s’est vu confronté avec certaines constatations d’une évidence irréfragable.