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de vouloir bien la conduire chez elle. Le père Martin, un bonhomme bien serviable, eut vite fait d’atteler sa jument café et de conduire Antoinette évanouie chez sa mère, une pauvre veuve du chemin de Sainte-Cécile.

Mis au courant de ces faits, danseurs et danseuses ne furent pas lents à se disperser et le retour s’effectua presque en silence, Jerry Cunningham ayant ordre d’avertir le médecin de Granby de se rendre au chevet d’Antoinette.

Lorsque le docteur Gravel arriva, Antoinette n’avait pas encore repris connaissance. Sa pauvre mère désolée pleurait à chaudes larmes. Sous les soins du médecin, Antoinette reprit enfin ses sens mais pour retomber peu après dans un état d’hébétude voisin de la folie. L’œil fixe, hagard, comme épouvantée de quelque vision effrayante, la figure exsangue, la bouche contractée, elle semblait, comme disait sa vieille mère, « jongler » à quelque chose de terrible. Des sons rauques, des paroles inarticulées, véritables gloussements, étaient tout ce qu’on pouvait tirer de réponse aux questions dont on la pressait. Personne n’eut reconnu le minois éveillé, fripon de la jolie Toinette dans ce masque idiot et presque terrifiant.

Elle passa une semaine dans cet état de quasi-imbécilité. Croyant qu’Antoinette donnerait des explications qui éclairciraient le mystère, ni Doucet ni Labonté n’avaient jugé à propos de renseigner la mère Croteau non plus que le médecin qui perdait son latin à diagnostiquer le mal dont souffrait sa patiente.

Il avait parlé d’un violent choc nerveux qui avait déterminé une hyperesthésie générale, laquelle avait causé cette aphasie résultant de l’atonie du larynx, consécutive à la contraction des muscles crico-thyroïdiens.

En entendant ce charabia pompeux, la mère Croteau avait failli s’évanouir. Au milieu d’une crise de sanglots qui l’avait saisie, elle balbutiait de sa voix chevrotante que, sûrement, sa