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massé… doine

— Comme ça, disait Evariste Blanchette, il faudrait, tout de suite après souper, se jucher comme des dindes. Ça n’a pas le sens commun et je trouve, moi, que quand on a sué comme des nègres toute la sainte semaine, il est bien juste qu’on se décarême un brin, le samedi soir !

— Beau dommage, renchérissait Toinette Croteau, si on ne danse pas quand on est jeune, on ne dansera jamais. À rester figées comme des saintes nitouches, c’est sûr qu’on aurait des rhumatismes sur nos vieux jours… Sans compter que nos cavaliers auraient tôt fait de nous plaquer si on s’avisait de prendre des airs pâmés comme les grandes bégueules de Saint-Valérien.

Antoinette Croteau était une jeunesse fort espiègle qui allait avoir ses vingt-deux ans. Jolie, quoique d’une joliesse un peu commune — ce qu’on appelle une beauté du diable — nature accorte, enjouée, elle n’avait pas, comme on dit, la langue dans sa poche. Antoinette était l’âme d’un des groupes qui s’étaient formés, à l’issue de la messe, et commentaient le sermon du curé Michelin.

Somme toute, les jeunes n’étaient pas persuadés et Toinette, comme on l’appelait tout court, qui en tenait pour Jerry Cunningham, de Granby, le « time-keeper » des Bradford, et ne perdait pas une occasion de se pousser, fut la première à proposer une petite sauterie pour le samedi suivant.

Ce samedi-là, la journée avait été d’une chaleur accablante. On était au commencement d’août et une longue sécheresse sévissait. Aussi, la perspective d’une bonne soirée à rigodonner et rigoler sous la brise fraîche du lac avait réuni un nombreux essaim de danseurs et danseuses et le père Chicoyne, le violoneux, était à son poste. Certe, il y avait bien certaines abstentions