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la légende de petit lac de roxton
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ment en une caisse d’emballage jetée de champ entre deux touffes de sapin, en revanche, les « rafraîchissements » ne faisaient pas défaut ; sandwiches au fromage de porc, gâteaux, roulades au sucre du pays, pets de nonne, etc. Des paniers dissimulés sous les sapins regorgeaient de flacons et de bouteilles. Il y avait de la bière d’épinette et du vin pour les dames, mais le whisky surtout ne manquait pas. On le baptisait ad libitum suivant le goût ou la capacité de chacun.

Ainsi lesté, on reprenait le chemin de la plate-forme et je vous donne ma parole que la danse et la conversation allaient bon train car, comme bien on pense, ces rafraîchissements, loin de tempérer l’ardeur du bal, ne faisaient qu’en accélérer l’allure et déliaient les langues aussi bien que les jambes. Aussi, aux petites heures, le chahut était tel que l’on percevait à peine le son nasillard du crincrin et que le « câlleux », le grand Exaudias Duranleau, qui passait pourtant pour une solide gueule, devait s’égosiller pour faire entendre ses « swing your partners », « promenade all », etc.

Parfois, un danseur, mis en train par l’alcool et voulant faire la nique à un rival, lui râflait sa danseuse. Or, comme « manger de l’avoine » était considéré comme un affront sanglant, les choses n’en restaient pas là. Des injures on en venait aux coups et l’orgie dégénérait en rixe. Des yeux se pochaient, des nez s’enflaient jusqu’à ce que les uns ou les autres des assistants — il n’y avait pas de neutres — restassent maîtres du terrain.

Comme on le voit, le brave curé de la paroisse n’exagérait rien et avait bien raison de tonner contre les excès que comportaient ces danses au grand air, sur le bord du lac, les samedis soirs, durant la belle saison. Cependant tout le monde ne l’entendait pas de la même oreille et tandis que les Sainte-Pudentienniais les plus âgés approuvaient sans restriction les remarques de leur pasteur, les jeunes gens, eux, ne cachaient pas non plus leur manière différente de voir.