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massé… doine

sinant sur la neige le squelette des branches, silhouette de fantastiques ombres chinoises qui font s’enfuir les lièvres poltrons.

C’est à peine si l’on peut s’aventurer dehors et s’emplir les poumons de vivifiant ozone. Bon gré mal gré, il faut être casanier et faire la grasse matinée. Moi, j’en profite pour mettre sur l’écorce les incidents les plus saillants de la vie, relater mes impressions, socratiser en us et en um. Peut-être ces mémoires aideront-ils mes nièces et mes neveux à passer la mauvaise saison.

Mon regretté père me disait souvent que si tous les animaux, même les hommes — si tant est qu’ils aient la sincérité voulue pour ce faire — recordaient ainsi leurs impressions, leurs aventures, leur façon d’envisager les faits, d’apprécier les événements, exposaient leurs idées, analysaient leurs sentiments, mettaient enfin leurs âmes à nu, le tout réuni, co-ordonné, classifié, constituerait une œuvre de génie, une encyclopédie colossale de science et de sagesse. Mon père était un fervent de l’éclectisme !…

Un jour que je m’étais gloutonnement empiffrée de raisin, je me laissai surprendre par le sommeil de l’ivresse, lorsqu’un bruit dans le fourré me réveilla en sursaut. Vite, je voulus grimper quatre à quatre dans un érable à quelque distance et, prenant mes jambes à mon cou, je m’élançai. Hélas ! j’avais compté sans cette malencontreuse ivresse. Je titubai, tanguai de côté et d’autre et, perdant tout à fait l’équilibre et la tête, j’allai donner bêtement dans un filet que me tendait un croquant. Avant que j’aie eu le temps de ronger quelques mailles, j’étais bel et bien empoignée et emprisonnée, non pas dans la classique tournette mais — ô ironie du sort ! — dans une cage à serins…

Non, mais faut-il être serine pour se mettre ainsi pompette sans rime ni raison ! Un écureuil gris ! si ce n’est pas à en rougir !