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massé… doine
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Mais à quoi bon insister, les écureuils et autres animaux qui me liront ne savent-ils pas par expérience la souveraine injustice des hommes à notre égard !

J’ai interrompu mon récit à la mort de mon père, laquelle, comme bien on pense, créa un grand vide chez nous.

Cependant — ainsi va la vie — ma douleur se calma peu à peu. J’étais jeune, voyez-vous, et j’aimais les plaisirs. Aussi, comme nous étions dans la belle saison, je me repris bientôt à courir le long des haies fleuries, à jouer à cache-cache avec mes compagnes dans les ormes touffus. Les oiseaux piouitaient de tous côtés tandis que les papillons virevoltaient dans l’espace ensoleillé, zigzaguant de ci de là comme enivrés de pollen.

Puis, lasses de nous balancer sur les hauteurs, nous redescendions le labyrinthe des branches pour venir folâtrer dans les fougères, rôder autour des sources. Là, nous donnions libre cours à notre coquetterie, nous attardant, notre toilette finie, à nous mirer dans l’onde, à lustrer notre pelisse et à paraître sémillantes et gentilles. Enfin, après nous être parfumées le museau de sénéga ou de menthe, nous reprenions notre course, cherchant un coin de rocher couvert d’une nappe de lichen où faire la dînette. Oh ! notre menu n’était guère recherché : des noix longues, des merises, des faînes, des cerises, etc., selon la saison, et, après avoir dépêché notre frugal repas, nous faisions la sieste sur un tronc d’arbre renversé par le vent ou sur une souche vermoulue.

L’été, c’est la saison des plaisirs et, de mon temps, on en profitait. Je vous accorde que l’automne a bien ses sports particuliers qui ont leur charme, mais c’est aussi l’époque des pluies et des rafales. « L’automne, a dit une célèbre faisane, est un andante mélancolique qui prépare admirablement le solennel adagio de l’hiver. » Ces faisans, ils sont poètes, idéologues comme de vraies cigales, ma parole ! Nous qui sommes plus pratiques et utilitaires, nous définissons l’automne la saison de