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les mémoires de nuxette

la rapacité des loups et dire : Ces pauvres bêtes, les voilà encore à s’entre-dévorer comme des Canayens ! Et lorsque maman, dans ses bonnes, lâchait bride à sa verve, papa s’écriait : Ma chère amie, mais tu parles comme une femme !

Certes, je n’ai pas pour mes semblables cette solidarité chauvine qui caractérise les hommes lorsqu’on met en doute leur prétendue dignité exclusive d’êtres raisonnables. Non, de tous temps et chez toutes les races, il y eut des mauvais sujets. L’homme n’a pas fait faute d’attribuer sa déchéance au serpent. Est-il pourtant un être plus modeste et plus terre à terre que le serpent ? Que lui reproche-t-on, après tout, à part cette affaire galante avec feue Eva Adam ?… Au surplus, sa responsabilité dans cette aventure ne m’a jamais paru clairement établie. Depuis quand la tourterelle se laisse-t-elle séduire par le crapaud ?… Est-ce l’étoile qui s’énamoure du ver de terre ?…

Et vous savez quel a été le résultat de ce chantage ? Le genre humain, avec une partialité toute filiale, auréola la femme, tandis que le malheureux serpent eut en partage l’opprobre et la flétrissure. Voilà ce qu’il advient des mauvaises fréquentations. Ah ! on a bien raison de dire, en présence d’une affaire louche : cherchez la femme !

J’admets que le serpent est un être rampant, mais, nom d’une souche ! s’il fallait écraser la tête à tous les êtres qui ont cet habitus particulier, ce serait l’annihilation du genre humain !

J’aurais beau jeu, en vérité, si je voulais imputer aux hommes les travers dont souffrent quelques-uns d’entre nous. J’aime mieux faire preuve de largeur d’esprit et admettre, bien franchement, que nous avons, nous aussi, nos brebis noires, qu’il y a bien des buses sous plumage de phénix et autant d’ânes sous pelage d’hermine !

Ah ! si tout le monde était libre de préjugés à notre endroit comme ce bon Lafontaine dont mon pauvre père me parlait si souvent. Lui était émerveillé de notre industrie, de notre esprit,