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massé… doine
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Le dépit n’épargne pas plus l’enfance que l’âge mûr et, j’avais beau m’en prendre à la carabine, maugréer contre les cartouches, je me sentais, au fond, très humilié de ma maladresse, d’autant plus qu’il y avait là deux témoins oculaires, très oculaires même, qui, ne pouvant dissimuler leur hilarité dans leur barbe, prenaient tout simplement le parti de me rire au nez.

J’aurais sans doute pu me venger de leur affront en défiant mes camarades de faire mieux, — ils étaient, eux aussi, de piètres Nemrods — mais la présomption l’emporta et, derechef, j’épaulai et visai. Je ne crois pas que Guillaume Tell ait ressenti pareille émotion lui tenailler le cœur. Rassemblant tout le sang-froid qui me restait et éjaculant mentalement une dernière supplique à saint Hubert, je pressai la détente : rebing !

Cette fois, mon écureuil se décida à rendre pleine et entière justice à la précision de mon tir. Il exécuta une série de pirouettes de branche en branche et vint choir, inerte, pantelant, au pied de l’arbre.

Fier de mon adresse, orgueilleusement dédaigneux des compliments de Maurice comme des congratulations de Henri, j’avais enlevé ma casquette et m’épongeais le front laborieusement, histoire de souligner ce que pareille sûreté de coup d’œil comportait de concentration d’esprit. Ah ! ce que j’aurais donné pour que tous mes condisciples eussent été témoins de ma performance cynégétique. Pour un peu, j’aurais salué de droite et de gauche des spectateurs imaginaires, comme font l’homme-serpent ou l’avaleur de sabres des cirques forains. Mon âme exultait et il me semblait entendre retentir dans le bois un hallali d’allégresse.

Lorsque j’eus fait la roue bien consciencieusement et que mon orgueil de fin tireur se fut enfin vengé des précédentes railleries de mes compagnons, je daignai condescendre à ramasser le cadavre de ma victime. Horreur ! à mon approche,