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après le rêve, le réveil
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L’air était vif, parfois humide et malsain. Le sol enchevêtré de racines, de lianes, de culs-levés, rendait la marche difficile.

Le 10 décembre au matin, un marais leur barrait la route et les obligeait à un long détour à peu de distance de Skibbérine, dans Stukely. Il y avait là un chemin assez peu fréquenté qui conduisait à la scierie d’Henry Lawrence, dans le nord. Comme ce chemin va, sur partie de son parcours, de l’ouest à l’est, on décida de le suivre quelque temps tout en ayant l’œil aux aguets. La marche au découvert reposait de la fatigue.

À la brunante, au lieu de prendre le bois pour s’y enfoncer et faire du feu, Roberts décida de passer la nuit dans une grange située à quelque distance d’une chétive hutte qui paraissait abandonnée car on ne percevait aucun signe de vie. Sans doute le colon passait-il l’hiver au chantier de Lawrence, plus au nord.

On y pénétra en tapinois et, après avoir refermé la porte, on s’installa pour la nuit, utilisant les couvertures qu’on portait et la paille que, à tâtons, on put ramasser.

Par une lucarne entrait un rayon de lune qui donnait un aspect sinistre de bandits aux faces hirsutes des malheureux blottis dans un coin, les genoux au menton. Pendant que Célestin Parent et le métis François, succombant à la fatigue, mêlaient leur respiration bruyante, Roberts, las et brisé, songeait en attendant le sommeil. Son système nerveux, surmené, détraqué, était à bout, ses pieds étaient enflés, sa tête se fendait, tout son corps courbaturé et endolori. Le manque de sommeil et de nourriture substantielle avait débilité cet organisme puissant de colosse.

Soudain, il tressaille. Une voix humaine a frappé son oreille. Il croit d’abord à quelque illusion de l’ouïe affinée par la surexcitation et les souffrances. Mais non, il ne rêve point, c’est bien une voix humaine, une douce voix de femme fredonnant ce que, à la mélodie plutôt qu’aux paroles, il reconnaît pour un vieux cantique qu’il a souvent entendu au village Debartz.