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I

LES MÉMOIRES DE NUXETTE


C’est novembre ; il pleut à verse…

Tiens, pensez-vous, voilà une entrée en matière qui sert de prélude à quelque récit lugubre et larmoyant. Déjà vous entrevoyez le misérable taudis avec son âtre sans feu, sa huche sans pain et des meurt-de-faim dépenaillés grelottant près de la mère phtisique qui toussote, et enfin tout l’attirail à embobeliner les âmes compatissantes que délecte ce que Henri Heine appelle le « tiède breuvage de la sentimentalité ».

Ce sont là les éléments de la technique, les premières académies, le catéchisme du rapin : en deux coups de pinceau, il vous brosse une scène à attendrir l’âme la plus stoïque ; par la magie de son talent, il dompte vos récalcitrances et vous gagne insensiblement à ses impressions, fait vibrer votre cœur à l’unisson du sien, expulse, pour ainsi dire, votre âme de chez elle et y substitue la sienne. C’est ainsi que nous sommes infailliblement pris, malgré que nous en ayons, par l’artifice de la mise en scène, ce miroir aux alouettes qui leurre sans cesse nos pauvres imaginations conventionnelles, impitoyablement asservies à la routine des sentiments toujours mêmes, à la tyrannie des éternels lieux communs.

Si l’on vous annonce un radieux soleil de juillet, votre esprit serein anticipe quelque récit agréable où il y a des oiseaux sous la feuillée, des liserons aux haies qui bordent la route poudreuse, et, à coup sûr, un Roméo avec sa Juliette qui s’aiment tendrement jusqu’à ce qu’un rival entre en scène, alors que l’astre du jour, — comme il sied à un soleil bon enfant qui connaît son pu-