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massé… doine
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Au même instant, le jeune homme ôtait sa casquette et au milieu des assistants debout, têtes nues et le front pieusement penché, il entonna d’une voix forte mais, à dessein, sans distinctement détailler les paroles, ce cantique qu’avait déjà popularisé dans le diocèse de Montréal le curé Boucher-Belleville de Laprairie : « Nous vous invoquons tous ».

À cet air familier, la porte de la chambre où délibéraient nos English s’était ouverte lentement et à la vue de ce groupe recueilli au milieu duquel un jeune homme chantait en battant la mesure ce qu’eux croyaient être le « God save the Queen », ils se tinrent à l’attention, guindés, raides, esquissant le salut militaire.

Quand le chant eut pris fin, l’un des deux, le principal offensé du déjeûner, se dirigea vers M. Saint-Georges, lui prit la main, lui donna un vigoureux « shake-hand » avec force protestations de bon vouloir et d’excuses pour les avoir mal jugés, lui et ses amis.

Tandis que nos chasseurs reprenaient carniers et gibecières, Thomas, en passant près de Saint-Georges, lui tapa sur l’épaule : « Petit caporal, vous portez dans votre giberne le bâton de maréchal ! »

Il ne se trompait pas.

Nous avons accompagné en imagination — les données strictement historiques sont plutôt restreintes — les fugitifs à partir de Saint-Césaire jusqu’à Milton. C’est maintenant que notre tâche devient ardue car il nous faut reconstituer la suite de leur odyssée et nous n’avons que quelques vagues jalons pour nous repérer. Au reste, comme on le verra, il est d’autant plus difficile de suivre la piste qu’à un moment donné le groupe se disloque, pour ainsi dire, c’est-à-dire que deux de nos personnages rebroussent chemin et que les deux autres bifurquent dans leur hâte d’atteindre au plus tôt la frontière.

En quittant l’auberge de Milton, nos chasseurs suivirent un instant la route qui conduit au lac de Roxton. François, le guide métis, à qui on avait désigné, sur une mappe, le lac Mem-