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voire une promotion. En déambulant dans le corridor qui conduit au cabinet du Ministre, il cambrait fièrement son torse chétif de gratte-papier, bénissant cette mésaventure qui le signalait à l’attention de son premier supérieur hiérarchique, computant que à 4,35 $ c’était payer peu cher l’avantage de devenir quelqu’un !

Aussi, Omer Latrime était tout sourire lorsque, après avoir longtemps compté les clous de la porte, il fut enfin introduit auprès de l’honorable M. Bitard.

À la mine renfrognée du Ministre, Latrime jugea que celui-ci ne se rendait pas compte de la qualité du personnage qu’il avait devant lui. Aussi crut-il devoir se présenter :

— Monsieur le Ministre, je suis Omer Latrime.

Un ton rogne, prêtant main-forte au sourcil hérisson, vint semer le désarroi dans l’âme confiante du placide comptable :

— Ah ! c’est vous Latrime, monsieur Omer Latrime. Je suis sans doute inexcusable de ne pas vous connaître puisque vous figurez en vedette dans les journaux. J’aime à croire que vous ne vous estimez pas assez avantageux pour avoir, de parti pris, recherché cette notoriété, mais ce que je puis vous assurer c’est que le Ministère se passera volontiers de ce genre de publicité. Il est d’autres façons pour un modeste comptable de se faire valoir qu’en fréquentant des viveurs et des