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à vau-le-nordet

que « les moissons humaines ne sont jamais si belles que lorsque la culture ouvre un sol neuf ». Nous sommes jeunes, nous avons l’âge de l’enthousiasme et de l’espoir, notre pays offre un champ immense et fertile. Nos petits-enfants auront peut-être la bonne fortune d’applaudir le fier laboureur qui enfoncera le coutre de son génie dans l’uberté de nos terres novales. Ainsi soit-il !…

Je n’en finirais pas si j’entreprenais de suivre Félix Maderleau dans le cycle de ses pérégrinations intellectuelles et philosophiques. Il touchait à tout, effleurait tout sans rien pénétrer, mais il avait sur une foule de sujets des aperçus si originaux et si hardis que ses interlocuteurs, souvent mieux renseignés que lui, restaient éberlués devant ses feux d’artifice et ses pétarades et ne se désembarrassaient de cette sorte d’emprise que lorsque Félix avait passé à un autre sujet. On croyait s’en tirer en le traitant de sophiste et Félix était le premier à rire avant qu’on ne se fâchât.

— Sais-tu, Félix, lui disait un jour un taquin, que tu auras ta statue, plus tard, sur l’une de nos places publiques.

— Peut-être bien, pour peu que ça flatte la vanité de quelqu’un de mes descendants. La chose s’est