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à vau-le-nordet

n’est au fond qu’un trompe-l’œil dont se contente l’esprit simpliste. Ces migrations vers un climat plus « congenial », comme disent si bien les Anglais, sont endémiques chez notre race. Elles manifestent une véritable tendance congénitale, un obscur besoin physiologique, un instinct, si l’on veut, qui commande à des forces latentes, lesquelles sont à la race ce que l’atavisme et l’hérédité sont à l’individu. On dirait le jeu des réflexes qui se manifeste collectivement, affectant tout le corps social. C’est à dire que, nonobstant les frontières et les latitudes, l’immanente nature surnage du chaos et vient fatalement, tôt ou tard, associer ou dissocier ce qui doit l’être, rétablir l’ordre inconsidérément troublé. Confusément, le subconscient obéit à une poussée pathologique recherchant une affinité climatérique dont la carence entrave notre eurythmie ethnique… Serait-ce parce que la boussole de Jacques Cartier a orienté vers ces rives quelques aventuriers français, que les latitudes vont se déplacer ?…

Félix s’échauffait, pris à la piperie des mots qu’il enfilait, se grisant de sa phraserie sonore, faisant merveille du plat de la langue. Comme personne ne voulait l’arrêter en si belle envolée, il reprit :

— Non, c’est fatal ; on ne viole pas impunément les grandes lois primordiales qui nous régissent. On n’acclimate pas, selon son caprice, une plante