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à vau-le-nordet

l’issue ne saurait nous affecter sensiblement… Pourquoi, du reste, nous ferions-nous casser la gueule pour défendre ce qui ne nous appartient pas. Nous ne sommes que des locataires, que des fermiers au Canada. La maison n’est pas à nous ; si quelqu’un veut déposséder le propriétaire, pourquoi interviendrions-nous au procès ? Quelle que soit l’issue du litige, nous sommes sûrs de notre bail… Dans la comédie qui tient incessamment l’affiche, pourquoi jouerions-nous les dupes ? Que fait le caissier de banque à 100 $ lorsqu’il se voit confronté par un bandit qui, revolver au poing, le somme de lever les mains ? Il les lève jusqu’au plafond. Et il fait bien et tout le monde l’approuve, y compris sa conscience… N’en doutez pas, que le pays soit envahi et nous nous abstiendrons. Et nous serons conséquents avec nous-mêmes ; je ne songe nullement à nous excuser… Oh ! je ne dis pas qu’un anglomane quelconque ne recrutera pas quelques centaines de Voltigeurs et qu’il ne fera pas un Châteauguay s’il a la bonne fortune de rencontrer un Hampton, mais la masse du peuple ne bougera pas… Notre attitude sera aussi logique et aussi nature humaine que celle des habitants de Lauzon, par exemple, en 1776.

— Mais enfin, objecte quelqu’un, nous sommes bien un peu chez nous, ici ? Nous sommes enracinés au sol depuis des générations, ce pays a été arrosé du sang de nos héros et de nos martyrs et de la sueur de nos défricheurs.