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félix maderleau

mesure qu’il s’animait, son ton changeait. Il devenait narquois, goguenard, railleur, élevait la voix, multipliait les arguments, activait le geste. Alors, Félix miaulait, tapi sournoisement et prêt à griffer.

Fallait-il tonner contre un abus, dénoncer une injustice, exposer une canaillerie, il se mettait à félir d’une voix acerbe, indignée, frémissante, avec des épithètes cinglantes, des mots corrodants. Non seulement il félissait, mais ses griffes entraient en jeu pour écharper les faux bonshommes déguisés en principes ou venger quelque pauvre diablesse d’idée injustement malmenée. Car malgré ses travers et ses manies, notre homme avait de la probité. Nous dirons même que c’est parce qu’il avait du cœur qu’il lui arrivait de sortir de leur velours des griffes acérées.

Ce soir-là, quand j’entrai, il était question de conscription, sujet bien topique. Félix ronronnait. Il exposait son point de vue à lui sur un aspect de la question et ses auditeurs partageaient apparemment ses vues puisqu’on l’écoutait en tirant tranquillement des pipes une fumée qui ne masquait aucune batterie dans un secteur plutôt paisible.

— J’en entends qui disent : Quand notre propre pays sera attaqué, fort bien, nous nous lèverons en masse. Allons donc, ces gens-là ne sont pas sérieux. Que le Canada soit attaqué et nous resterons à la charrue, témoins désintéressés d’un conflit dont