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à vau-le-nordet

avoir pris possession de la nouvelle contrée sans plus de sans-gêne et comme font d’un objet trouvé les gens peu scrupuleux. Pour donner à son « raid » couleur d’altruisme évangélique, il érigea une croix de trente-cinq pieds de hauteur.

Comme on le voit, ce premier voyage de Cartier fut, en somme, une excursion de pêche. Et comme ça mordit, il revint l’année suivante. Parlons de ce deuxième et principal voyage.

Par un matin ensoleillé du mois de mai 1535, le sieur Jacques Cartier s’embarquait à Saint-Malo, beau port de mer. Histoire sans doute de tromper l’ennui de la traversée, il emmenait avec lui la grande Hermine qui, pour sauver les apparences, se fit accompagner de sa cadette. L’une et l’autre passaient pour volontiers prendre l’amer : de là l’Émérillon !

Comme la flottille était en vue de nos côtes, une saute de vent faillit mettre à mal la petite Hermine qui, selon son habitude, se mit à donner du bec. C’est la première fois que se faisait sentir l’influence de ce « gulf stream » découvert une trentaine d’années auparavant par un nommé Christophe Colomb qu’il ne faut pas confondre avec l’inventeur du bacille de ce nom. Il était temps qu’on abordât, car la grande Hermine, comme la petite du reste, commençait à éprouver le besoin de faire de l’eau, si rapide qu’eût été la traversée.

— Tiens, tiens, dit Cartier à Philippe de Rougemont, je crois que nous allons avoir un grain !