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les fonctionnaires

qui parce qu’ils ont une occupation sédentaire se croient permis de mener une vie de bâtons de chaise, etc.

Je n’en finirais pas si j’entreprenais d’épuiser la kyrielle, car la malveillance n’a jamais fait de vider son carquois. Sans relâche on se donne carrière, estimant sans doute que s’agissant de fonctionnaires on ne saurait errer condamnant un pervers et que, au surplus, ce n’est pas péché de calomnier le diable.

C’est entendu, le fonctionnaire a une tête de Turc. Quand il n’est pas par tempérament un philosophe, il devient par entraînement un stoïque ; il acquiert assez de souplesse ou de caractère pour faire contre mauvaise fortune bon cœur. Imperturbable, bon enfant, blagueur ou — si l’on y tient — flasque, veule, rosse, amoral et cynique, il arrondit son dos (sinon sa pelote), laisse passer l’averse, avale des couleuvres et, magnanime, n’en continue pas moins à servir loyalement, c’est-à-dire à éclairer les contribuables à travers l’inextricable maquis des affaires publiques, jetant des torrents de lumière sur ses obscurs blasphémateurs.