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à vau-le-nordet

Fréquemment un milieu distingué, ils ne manquent pas d’acquérir les bonnes manières et c’est ce qui fait qu’ils sont courtois, polis, galants, hospitaliers.

Sans poser au Beau Brummel, ils se mettent bien, évitant le génie tapageur et excentrique. Le débraillé est tabou chez eux : ce sont des ronds-de-cuir vernis !

L’administration recrute ses compétences parmi l’élite des professions libérales, chez les avocats d’humeur paisible et qu’horripilent les chicanes du prétoire et les chamailleries de la basoche, chez les médecins au cœur tendre et que font frémir la vue du sang qui gicle sous le scalpel ou les plaintes du malade que crispe la souffrance, chez les notaires de complexion placide à qui il répugne de tarifer tous les actes de la journée.

Notre aristocratie intellectuelle se compose surtout de fonctionnaires. Faites le compte vous-mêmes. Tout ce qui a un nom dans le domaine littéraire se rattache au fonctionnarisme, à partir de De Gaspé, le plus personnel de nos prosateurs, et de Fréchette, le plus prestigieux de nos poètes.

Bons fils, excellents pères, maris fidèles, pas cascadeurs, pas joueurs, rentrés tôt, levés tard, ils donnent beaucoup d’enfants à la patrie et autant d’élus au ciel. D’autres raffolent de parties carrées, de danses en rond, de partouzes, d’existence triangulaire ; eux se contentent des joies du ménage ou,