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à vau-le-nordet

cette façon de dire moins poétique, moins pittoresque et, à coup sûr, moins distinguée que la Terrasse. Et je vous crois sur parole et sans me référer au Glossaire si vous me dites que ce dernier mot a seul droit de cité chez les gens bien pensants et bien parlants.

Le premier Kébécois venu — si tant est qu’il y ait des premiers venus à Kébec — vous informe fièrement que la Terrasse mesure quinze cents pieds de longueur par une soixantaine de largeur, ce qui vous donne tout de suite sa superficie si vous avez quelque soupçon de géométrie ; que la Terrasse s’élève à deux cents pieds au-dessus du niveau de la rue Champlain, que la Terrasse est pontée en madriers de pin de la Colombie dénommé « bicifeu », etc. Et sans se rendre compte que ces détails n’ont pas l’air de vous passionner énormément, il devient lyrique et vous affirme que la Terrasse est l’aînée de la famille kebécoise, la plus jolie, la plus séduisante, la huitième merveille du monde. Paraissez-vous ennuyés de sa statistique, il vous laisse entendre que ce n’est pas pour rien que Champlain s’est installé aux abords : il est là pour bienvenir les admirateurs (il a le feutre à la main) et aussi pour châtier les insolents (il a l’épée au côté).

La Terrasse a ceci de commun avec le fameux pont d’Avignon que tout le monde y passe. Aussi bien, c’est l’endroit idéal pour exhiber sa toilette :