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à vau-le-nordet

devient, à son tour, une victime pour qui on se passionne. Il est acquitté en Cour d’assises et l’assistance bat des mains au grand scandale du président du tribunal. C’est du propre, hein ?

La conscience populaire, surtout chez une race impressionnable et primitive comme la nôtre, a besoin de l’adjuvant d’une forte discipline, synonyme d’éducation. Hors de là, c’est affaire d’intérêt ou de passion. Or, c’est compris, nous avons foncièrement mauvais caractère national et, qui plus est, notre éducation a été négligée.

La populace anglo-normande auréole l’outlaw Robin Hood ; la race latine, impertinente, ombrageuse et brouillonne, se range du côté de Panurge et de Figaro. Ça n’est pas qu’on a bon cœur, c’est qu’on a mauvaise tête. On est frondeur, indiscipliné soit par tempérament, soit par défaut d’éducation. Ces héros sont sympathiques non pas parce qu’ils sont malheureux, mais bien parce qu’ils ont des tracas avec Dame Justice, avec les bourgeois, etc.

On est pour le gibier contre le chasseur, mais on prendra parti pour le chasseur contre le garde-chasse. Ah ! si l’on est soi-même chasseur, il est clair qu’il en va tout autrement : gare le gibier, alors !

On se prononce pour la loi si l’on croit qu’elle fait notre affaire. L’ordre public n’est troublé que lorsqu’on est dérangé soi-même ; hors de là, la loi