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quelques lettres

C’était l’homme primitif chez qui se manifeste l’instinct paternel, c’était l’humble habitant, économe et pacifique, qui défend son bien, n’entendant rien à la politique, ne pouvant comprendre que l’Allemagne puisse en vouloir à son lopin de terre de Saint-David de l’Auberivière. C’était l’âme de la race, ataviquement méfiante des manigances britanniques et s’insurgeant, pour ainsi dire, automatiquement, c’était la voix du sol réclamant contre le départ des gars. Et cette âme et cette voix vibraient de sincérité et d’indignation. Pas de détours, pas d’échappatoires, pas d’euphémismes !

Bavard, frondeur, brouillon, rétif et dur de gueule comme un bronco, mais ouvert, répugnant à la dissimulation et d’une franchise brutale, cynique même.

Trois jours après cette scène, ou plutôt cette esclandre, arrive à l’étude Mr. Ellis Smith, cultivateur, de Valcartier, qui s’enquiert tout uniment si Mtre Peabody est là. Sur ma réponse négative, il s’assied, passe quelques remarques banales sur le temps qu’il fait, puis, avisant le Daily Chronicle, se plonge dans la lecture des derniers communiqués militaires.

Mtre Peabody survient peu après et Mr. Ellis Smith passe à son bureau dont la porte reste ouverte, ce qui me permet de suivre la conversation. C’est Smith qui commence, affectant la rondeur :