Qui fis crouler sur moi les cimes du malheur
Et fis de mes yeux creux un fleuve de douleur !
Regarde-moi, brisé, vieilli, les tempes blanches,
Jeté sur le chemin comme une morte branche !
Est-il bien ton ouvrage ?… Et pour qui ai-je fui ?
Pour cet avorton !
— Que dis-tu ? fit Nadine.
— Oui,
Je dis que tu trahis sans remords tes promesses ;
Qu’en m’exilant dix ans tu cherchais des caresses
Sur des routes de honte et des chemins pervers
Et semais tes baisers comme des fleurs d’enfer !
Moi, j’étais ton jouet !
— Oh ! C’est affreux ! Écoute,
Pierre, écoute !
— Écouter ! Jadis sur cette route
Je t’écoutai mentir. À mon tour maintenant ;
Car ma vengeance est là ; mais il me reste avant
À te crier mon mépris et toute ma haine ;
Oui, mon mépris !
— Mais, Pierre, écoute que j’égrène
La vérité ! C’est faux ce que tu dis !
— Mentir !
Narre-moi tes amours ou feins le repentir ;
Il t’en coûte peut-être, ô lèvre de mensonge !…
Ou vas-tu me cracher le remords qui te ronge ?…
Et de ses doigts noueux il lui prit les poignets
Et la secoua toute ; et sa fureur croulait