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où des nuages noirs déployaient leurs drapeaux,
S’avançaient à la charge ou montaient à l’assaut.
Et le petit cortège allait au cimetière
Dans un murmure éteint de chants et de prières.
Les paysans suivaient, l’un à l’autre tassés,
Comme un troupeau muet, de la route lassé.
Ils allaient, l’œil tourné vers les profonds mystères
Qui couchent toute vie à deux pieds sous la terre
Dans un gouffre de nuit et guidés par la croix
Qui leur montrait le ciel du geste de son doigt.

On fut au champ des morts. Le ciel était livide
Et les arbres tremblaient. Les villageois rigides
Tout autour de la fosse avaient serré leurs rangs
Et cherchaient du regard les tombes des parents
Dont les modestes croix émergeaient de la terre
Comme de l’océan se dresse, solitaire,
Un bras de naufragé dans un suprême appel.
Puis le prêtre fermant les pages du missel
Fit un signe de croix dont l’ombre crucifiée
Couvrit le cercueil et la terre sanctifiée,
La terre où reposaient tant de regards éteints,
Tant de pas fatigués d’errer dans les chemins.

Et tandis que le vent hachait la psalmodie
Détachant des lambeaux de plaintes assourdies
Qui allaient s’apaisant comme à la rive un flot
on entendait sans trêve un déchirant sanglot,