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Conclusion.

Nous quittons maintenant ces plages arides et inexplorées de la littérature nationale pendant les quinze années de la domination hollandaise, et nous saluons nos aînés de toute l’ardente sympathie que l’on éprouve pour les vaillants de la première heure. Si nous avons été parfois sévères pour eux. c’est que nous analysions non les hommes, mais les résultats de leur travail, et ces résultats, nous l’avons dit, ne pouvaient être que ce qu’ils ont été. En présence du manque de préparation intellectuelle, et d’une vie passée tout entière au milieu des bouleversements et des ruines, absorbée par les préoccupations politiques, n’est-ce pas déjà un résultat brillant que cette ardeur au travail qui se manifeste aussitôt qu’apparurent les premiers symptômes de paix et de stabilité nationales ? Au reste, une génération qui fonde un royaume a sa place dans l’histoire.

Nous aurons aussi détruit le préjugé qui n’accorde rien à la littérature belge avant 1830. Jusqu’en 1830, et nous pouvons même dire jusque vers 1880, c’est la période difficile et ardue où tous nos écrivains en sont réduits à une célébrité qui ne dépasse pas un noyau d’amis, où les plus beaux talents échouent, où les meilleurs autours ne trouvent aucune ressource dans la carrière des lettres ; mais à qui la faute ? si ce n’est à l’indifférence, voire à l’hostilité du public contre laquelle viennent se briser toutes les tentatives. D’autres pourront raconter ce qu’il en a coûté de déboires et d’amertumes aux de Coster, aux Van Hasselt, aux Mathieu, aux Weustenraad, etc., pour cultiver les lettres et n’obtenir en fin de compte qu’un haussement d’épaules de leurs concitoyens.

Il faut dire cependant que ce qui a nui et nuira toujours au développement des lettres belges, c’est le voisinage de la France. Eblouis par sa littérature, c’est à peine si nous avons accordé quelques regards bienveillants à nos écrivains, et c’est