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sévérité les effusions passagères d’une sensibilité victorieuse, je me contenterai d’observer que, quiconque a jetté un œil bienveillant sur la société, a dû souvent jouir du plaisir de voir un humble amour mutuel, quoiqu’il ne fût ni annobli par le sentiment, ni fortifié par l’union de deux ames cherchant la vérité de concert. Il a pu voir les bagatelles domestiques fournir matière à une douce conversation, et d’innocences caresses délasser de travaux qui n’exigeoient ni un grand exercice de l’ame, ni un vol bien étendu de la pensée. Je le demande, cette vue d’une félicité modérée ne lui a-t-elle pas paru plus touchante que respectable ? n’a-t-elle pas excité en lui une émotion semblable à celle que nous éprouvons à la vue des jeux des enfans ou des petits animaux[1], tandis-

  1. C’est une sensation de ce genre que l’agréable peinture du bonheur de nos premiers parens, dans le Paradis, tracée par Milton, m’a toujours fait éprouver. J’avouerai qu’au lieu de porter envie à ce couple charmant, le sentiment de la noblesse de mon être, un orgueil digne, si l’on veut, de Satan, m’a toujours fait chercher dans son enfer de plus sublimes images. Je