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Dégoûté des mœurs et des vertus factices, le citoyen de Genève, au lieu d’examiner son sujet d’une manière convenable, jette le froment avec la paille, sans se donner le tems de s’assurer si les maux à l’aspect desquels son cœur bondissoit avec tant d’indignation, étoient la suite naturelle de l’état de civilisation, ou les restes de la barbarie. Il vit le vice fouler aux pieds la vertu, et une fausse bonté prendre la place de la véritable ; il vit les talens forcés par les maîtres du monde, de se prêter à de sinistres projets, et ne pensa jamais à remonter jusqu’au despotisme, la vraie source de ces maux affreux, pour les lui reprocher ; aux distinctions héréditaires qui voudroient bien se ranger avec cette supériorité d’intelligence, dont l’effet naturel et juste, est d’élever un homme au-dessus de ses semblables. Il ne s’apperçut pas que la puissance royale introduit, en peu de générations, une sorte de stupidité dans les familles nobles, et se sert des croix, des cordons, comme d’amorces pour prendre dans ses filets des milliers d’êtres vicieux et lâches.

Rien ne sauroit présenter le despotisme royal sous un point de vue plus vrai, et