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mertume la coupe de la vie, et nous tromper par de fausses notions d’une dignité que nous n’aurions pas réellement ? pourquoi nous conduiroit-il par le sentiment de l’amour de nous-mêmes aux sublimes transports qu’excite la découverte de sa sagesse et de sa bonté, si ces sentimens n’étoient pas éveillés en nous pour améliorer notre nature dont ils font partie[1], et nous rendre capables de jouir d’une portion

  1. Que diriez-vous à un horloger que vous n’auriez chargé de vous faire qu’une montre simple, marquant tout uniment les heures, si, pour vous prouver son habileté, il y ajoutoit les roues destinées à en faire une répétition, et que cette addition embarassa le méchanisme ordinaire ? Seroit-il bien venu à dire pour s’excuser : Si vous n’aviez pas touché un certain bouton, vous ne vous feriez apperçu de rien. J’ai voulu m’amuser à faire une expérience, sans avoir l’intention de gâter votre montre ; Ne seriez-vous pas fondé à lui répondre que ne vous borniez-vous à me faire une montre ordinaire, puisque je ne vous avois demandé que cela ; si vous n’y aviez pas ajouté des ressorts inutiles, elle iroit bien, au lieu que vous vous êtes amusé de gaîté de cœur à me la gâter. Il falloit faire ce que je vous avois dit, et rien de plus, l’accident ne seroit pas arrivé, je n’aurois pas eu lieu de m’en appercevoir.