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lence, par l’exercice des facultés mises en eux pour arriver à ce développement ; si la bonté divine jugea elle-même à propos d’apeler du néant à l’existence une créature au-dessus de la brute[1] qui put penser et se perfectionner d’elle-même, pourquoi nommer en termes directs une malédiction cet inestimable bienfait ? car ce fut réellement un bienfait, si l’homme fut créé de manière à pouvoir s’élever au-dessus de l’état dans lequel des sensations lui procuroient un bonheur animal ? et cependant on pourroit en effet l’apeler une malédiction, si toute notre existence étoit bornée à ce monde ; car à quoi bon le dispensateur de la vie nous auroit-il donné des passions et la faculté de réfléchir ? seroit-ce uniquement pour empoisonner d’a-

  1. Contraire à l’opinion des anatomistes, qui raisonnent par analogie, et d’après la forme des dents, de l’estomac et des intestins, Rousseau ne veut point voir dans l’homme un animal carnivore ; écarté de la nature par l’amour de son systême, il nie que l’homme soit un animal destiné à vivre en société, quoique sa longue et débile enfance semble démontrer que les auteurs et les conservateurs de ses jours ont dû se réunir par couple.