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oublieux du bonheur d’une moitié de ses membres, que celui qui ne pourvoit point au sort des Femmes honnêtes et indépendantes, en les encourageant à prendre des états respectables ; car, si l’on veut que leur vertu privée soit utile au public, il faut qu’elles ayent une existence civile, dans l’état, mariées ou non mariées ; sans cela, nous verrons continuellement des Femmes respectables dont la sensibilité aura été péniblement affectée par un mépris non-mérité ; nous les verrons, dis-je, se flétrir comme le lys arraché par le soc de la charrue.

C’est une vérité triste ; mais tel est l’heureux effet de la civilisation que les Femmes les plus respectables sont précisément les plus opprimées, et à moins qu’elles n’ayent une intelligence bien supérieure à l’intelligence commune des deux sexes, à force d’être traitées comme des êtres méprisables, il faut qu’elles le deviennent. Combien n’est-il pas de Femmes qui usent ainsi leur vie dans le chagrin, et qui auroient pû pratiquer la médecine, diriger une ferme, tenir une boutique, et se faire un établissement par leur propre industrie,