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rir adroitement les espérances de l’aliment du Caméléon : ainsi la politesse s’accoutume à se jouer de la vérité, et, détruisant la sincérité et l’humanité propres à notre espèce, forme enfin ce qu’on appèle un gentil-homme.

Les Femmes acquèrent de même, d’après une prétendue nécessité, les dehors artificiels et faux qu’on leur connoît. Cependant la vérité n’est pas une chose avec laquelle on puisse jouer impunément ; le charlatan le plus exercé devient à la fin lui-même dupe de ses tours de passe-passe ; il perd cette sagacité naturelle qu’on a justement nommé bon sens ; et particulièrement cette perception vive des vérités les plus communes, que l’esprit, qu’on n’a point gaté, reçoit constamment pour ce qu’elles sont, quoiqu’il puisse ne pas avoir assez d’énergie pour les découvrir lui-même, surtout quand des préjugés locaux l’ont obscurci. La majeure partie des hommes reçoit ses opinions de confiance, pour s’épargner la peine d’exercer elle-même ses facultés intellectuelles, et ces êtres indolens s’attachent naturellement à la lettre plutôt qu’à l’esprit des lois divines ou hu-