Page:Mary Wollstonecraft - Défense des droits des femmes (1792).djvu/322

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(282)

que nous soyons bien convaincus par la raison, que leurs promesses les plus séduisantes ne sont que des rêves imposteurs ; mais si la froide main de la circonspection proscrit tout sentiment généreux avant qu’il ait acquis un caractère de permanence, ou déterminé quelque habitude, pouvons-nous attendre autre chose qu’une prudence egoïste et une raison à peine supérieure à l’instinct ? Quoiconque a lu d’un œil philosophique dans Swift, l’insipide description des Yahoos et des Houyhnlims, peut-il s’empêcher de reconnoître combien il est inutile de déprécier les passions, ou de vouloir que les hommes restent tranquiles ?

Il faut que la jeunesse agisse ; car si elle avoit l’expérience de l’âge mûr, elle seroit plus propre à la mort qu’à la vie : ses vertus, siégeant dans la tête plutôt que dans le cœur, ne produiroient rien de grand, et son intelligence préparée pour ce monde, ne prouveroit point par ses nobles élans, qu’elle a des droits à un meilleur.

Il est d’ailleurs impossible de donner aux jeunes gens une idée juste de la vie. Il faut qu’ils se soient débatus avec leurs