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prêtes à s’épanouir, t’a rendu l’être foible que tu es. C’est cet intérêt à part, cet état insidieux de méfiance, qui frappe les bases de la morale et divise le genre humain.

Si l’amour a rendu quelques Femmes malheureuses, combien davantages sont devenues des êtres nuls et inutiles par cette froide galanterie dont le langage, insignifiant ou traître, exprime toujours ce qu’on ne sent jamais, et pourtant cette attention pour notre sexe, à laquelle le cœur ne prend aucune part, passe presque par-tout pour si digne de l’homme, si polie, que, jusqu’à ce qu’une heureuse révolution organise très-différemment la société, je crains bien qu’une conduite plus raisonnable et plus tendre, ne puisse faire disparoître les vestiges de ces mœurs gothiques. J’ajouterai, pour faire disparoître la fausse dignité que l’imagination lui prête, qu’on voit régner cette galanterie dans les états les moins civilisés de l’Europe, avec une extrême dissolution de mœurs. Dans le Portugal, par exemple, pays auquel je faisois particulièrement allusion, elle remplace les devoirs moraux les plu sacrés ; car on assassine rarement un homme à