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Pourquoi la vie de Rousseau fut-elle partagée entre l’extase et le sentiment du malheur ? On ne peut résoudre ce problême, qu’en attribuant ces deux manières d’être si opposées, à l’effervescence de la même imagination. Qu’il eût pu parvenir à la calmer, vraisemblablement il auroit acquis plus de force d’ame. Si le but de la vie doit être de former la partie intellectuelle de l’homme, sans doute il arriva au plus haut point ; cependant, en supposant que la mort ne nous conduise pas à une scène plus noble, il est probable qu’il eût joui d’un bonheur plus égal sur la terre, et éprouvé les tranquilles sensations de l’homme de la nature, au lieu de se préparer pour une autre existence, en nourrissant les passions qui agitent l’homme civilisé.

Mais, paix à ses manes ! quoique je heurte ses opinions, je ne veux pas troubler les cendres toujours sacrées de l’homme de génie. Je n’attaque que cette sensibilité excessive, qui lui fit dégrader mon sexe, en en faisant l’esclave de l’amour.

« Servage maudit où nous sommes fières de voir les hommes, qui nous adorent jusqu’à ce que les feux dont ils brûloient