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car on l’emploie souvent comme synonime de beauté, pour la porter sur un écueil et précipiter insidieusement sa chûte par un respect simulé. Le plaisir et la vertu ne sont pas unis dans cette vie aussi étroitement que quelques écrivains éloquens ont essayés de le prouver. Les guirlandes du plaisir se fanent, sa coupe enchanteresse est frelatée ; mais le fruit que nous donne la vertu est la récompense de la peine ; il se montre graduellement à mésure qu’il approche de la maturité, et ne nous apporte qu’une satisfaction calme et tranquille ; à peine s’en apperçoit-on, tant elle paroît résulter de la tendance naturelle des choses. Le pain, cet aliment usuel qui soutient nos forces et conserve notre santé, est rarement regardé comme un bienfait, tandisque les mets somptueux réjouissent le cœur de l’homme ; il sourit aux festins quoique la maladie et la mort même se cachent dans les liqueurs qui exaltent ses esprits, ou dans des friandises qui flattent son palais. Une imagination ardente peint l’amour, comme tous les autres objets, avec des couleurs enflammées ; la main qui les trace est dirigée par une ame condamnée