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avec un mari capable de les aimer de l’amour le plus tendre et croissant tous les jours ; mais elles gémissent aussi bien mariées que seules, et elles ne seroient pas moins malheureuses avec un mauvais mari qu’en séchant du désir d’en obtenir un bon. J’accorde qu’une éducation convenable, un cœur rempli de bons principes, mettroit une Femme en état de supporter avec dignité la vie solitaire ; mais je soutiens que négliger de cultiver son goût, de peur d’éprouver des désagrémens de la part d’un mari qui pourra peut-être le choquer de tems à autre, c’est abandonner l’essentiel pour l’accessoire. À vrai dire, je ne sais trop de quel usage seroit un goût perfectionné, s’il ne servoit à rendre l’individu qui le possède plus indépendant des hazards de la vie ; s’il n’ouvroit de nouvelles sources de jouissances, uniquement du ressort des facultés de l’ame, et qui par-là même n’ont besoin du concours de personne. Les gens de goût, mariés ou célibataires, seront toujours choqués de différentes choses qui n’affectent nullement des ames moins sensibles. Ce n’est pas sur cette conclusion qu’il faut juger ce raisonnement ;