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sociales, ont beau s’écrier avec Ledru-Rollin : « Je hais les communistes ! » et soutenir avec Armand Marrast que le communisme se préoccupe surtout d’améliorer la situation matérielle des travailleurs, sans relever leur dignité en les faisant libres politiquement[1], ils ne le discréditeront pas.

Parmi « les puissances constituées de la vieille Europe », celles qui ont le mieux compris l’essence du mouvement nouveau, ce sont d’abord le pape et Metternich. Il n’est pas excessif de dire que Pie IX, arrivé au pontificat en 1846, et Metternich, le vieux ministre autrichien, que la révolution viennoise de 1848 allait chasser, se sont fait de la révolution sociale la conception même de Marx. Cette conception, c’est qu’on ne fait pas à la révolution sa part. L’absolutisme est un état d’équilibre dont on ne peut ni déplacer la base ni changer les éléments, faute de quoi l’état social entier descend sur la « pente » des révolutions jusqu’au bout. « Le vrai mérite d’un homme d’État consiste donc, disait Metternich, dans le talent d’épargner au pouvoir la nécessité suprême de faire des concessions[2]. » Car on ne voit pas le terme des concessions une fois commencées, et elles mènent, par un enchaînement continu, à la ruine des empires. Mais le malheur « au-dessus duquel on ne peut rien imaginer », c’est l’intrusion du socia-

  1. Tchernoff, op. cit., pp. 153, 165.
  2. Metternich. Mémoires, t. VIII, p. 582.