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rédigés, les traités de paix savamment élaborés et les projets de cités futures où seront évitées toutes les possibilités de conflit[1].

Si impartiaux et si « au-dessus des antagonismes de classes » qu’ils pensent être, leur origine bourgeoise ou aristocratique se décèle pourtant. À coup sûr, leur pensée est désintéressée. Ils penseront, avec les saint-simoniens, qu’ « il ne peut y avoir de révolutions durables, légitimes… que celles qui améliorent le sort de la classe nombreuse » ; et ils en méditent une dernière : « c’est celle qui mettra fin complètement et sous toutes les formes à l’exploitation de l’homme par l’homme[2] ». Le Manifeste rend justice à cette candeur de désintéressement (§ 72). Il leur reproche une prévention triple.

1o Ils croient à la nécessité d’une élite intellectuelle chargée de penser pour le peuple. Saint-Simon voulait qu’en face des producteurs il existât une classe de savants hiérarchisés et chargés de parfaire les sciences tout en éclairant les pratiques industrielles. Au-dessus des savants et des producteurs, il plaçait une prêtrise, initiée par le sentiment à l’unité profonde de la vie de l’univers, et qualifiée par là « pour mettre en harmonie, pour coordonner et pour lier les efforts » qui se font séparément dans l’industrie et dans le savoir[3]. On conserve ainsi, avec la division du travail des sociétés anciennes, le privilège qu’elle engendre et la force d’oppres-

  1. Bazard. Doctrine saint-simonienne, p. 441.
  2. Marx. Anti-Proudhon, p. 174. — Klassenkæmpfe in Frankreich, p. 94.
  3. Bazard. Doctrine saint-simonienne, p. 125.