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2) Le socialisme conservateur ou bourgeois

Voici une autre sorte, et plus comique de « socialistes » : ce sont ceux qui veulent abolir la misère sans abolir l’exploitation d’où elle vient et la concurrence qui l’aiguise, abolir le prolétariat sans toucher aux intérêts de la bourgeoisie. Marx souvent s’était diverti à les classer[1].

Il serait trop long d’énumérer les économistes. Blasés et romantiques dans l’école de Ricardo, optimistes dans l’école de Say, ils sont indifférents dans toutes les écoles. Le fatalisme byronien des premiers console les ouvriers en prophétisant à leurs patrons des catastrophes pires que la misère ouvrière. La béatitude souriante des autres fait patienter le prolétariat par l’annonce d’une finale « harmonie des intérêts ». Les uns et les autres se disent impuissants à changer la marche des choses.

Mais il a les humanitaires. Faut-il entendre par là l’école de Pierre Leroux ? C’est une injustice que nous n’attribuerons pas à Marx. On peut conjecturer qu’il classe Leroux dans les sectes groupées autour de Saint-Simon. Plus probablement il veut désigner ici ces économistes apitoyés, dont Proudhon avait déjà discuté les palliatifs ; et Marx, dans le Manifeste, comme dans l’Anti-Proudhon, ne fait que lui emprunter sa discussion[2].

  1. Marx. Anti-Proudhon, p. 171-174 ; Klassenkaempfe in Frankreich, p. 92-95.
  2. Proudhon. Contradictions économiques, I, p. 116-134, 164-173, 191-207.