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pas créé une œuvre ». Ils reprochaient à Grün son défaut de méthode, et la prétention ignorante de ses expédients qui se réduisaient à « appliquer Feuerbach à la science sociale ». Dans cette théorie, l’essence de l’homme étant définie abstraitement, toute critique et toute réforme sont aisées, puisqu’il suffit de revendiquer pour tous les hommes une existence « vraiment humaine ». On oublie que « le pain se produit aujourd’hui dans des moulins à vapeur, qu’avant nous il se produisait dans des moulins à vent et à eau, et, plus anciennement encore, par des meules à bras ; et ces modes de production différents ne dépendent pas seulement de la façon dont le pain se mange ». Ces critiques à la fois contre la « sentimentalité enfiévrée et tendre » (§ 66) et contre la méthode vicieuse de cette philosophie (§ 63), le Manifeste les reproduit. Mais il y joint un reproche plus grave : celui de complicité avec la réaction.

Déjà chez Kriege il avait fallu flétrir l’hypocrisie avec laquelle il avait annoncé une révolution toute pacifique, « promettant aux usuriers de leur laisser tout ce qu’ils ont », et aux philistins « de ne pas troubler le charme intime de la vie de famille, du home ». Mais Grün aussi devenait dangereux par sa prédication contre le constitutionnalisme, » toute liberté politique aboutissant à une coalition de possédants contre les non possédants, à la conspiration d’une minorité astucieuse contre la majorité inculte » ; en sorte que nulle réforme de l’État ne peut être utile. Hess, dans l’article de