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vait là. Ainsi Kant et ses successeurs au xviiie siècle avaient reconstruit, comme postulats d’une « raison pratique » tout abstraite, ces droits de l’homme où la bourgeoisie française avait formulé sa volonté concrète et intéressée de classe résolue et capable de s’affranchir.

Le même orgueil national à nouveau s’emparait de la « nation des penseurs ». Ayant enveloppé de jargon philosophique leurs formules d’emprunt, ils affectaient des airs de supériorité. Proudhon avait démontré la force d’exploitation que recèle le fonctionnement de la circulation monétaire. Hess se croit bien plus avancé quand il appelle l’argent le « sang social aliéné, la valeur humaine exprimée en chiffres, la sueur des misérables qui portent leur propre force vitale sur le marché ». Les socialistes français avaient parlé de la lutte contre l’État de classe, l’Église de classe. Hess, envisageant l’existence sociale de l’homme comme son essence, et sa pensée religieuse comme la notion qu’il en a, se croira profond en appelant l’État et l’Église l’essence de l’homme aliénée contre laquelle les individus entrent en lutte[1]. Grün s’enorgueillit de dépasser Proudhon en annonçant un temps où il n’y aura plus de lois, parce que l’« homme aura réabsorbé la loi », un régime de pure autonomie de l’homme social, où « sera abolie toute aliénation de soi ».

Le poète Heine venait à la rescousse, déclarant : « Cette grande parole de Saint-Just : « Le

  1. Koigen, loc. cit., p. 157, 165, 176.