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en mains le pouvoir législatif et gouvernemental, quelles mesures lui faudrait-il prendre ?

Elle ne peut pas d’emblée réaliser la République sociale. C’est ce qui résultait pour Marx du fait même de la collaboration avec la petite bourgeoisie ; et cette collaboration, pour un temps, sera nécessaire (§ 32). Ce sera le temps où le prolétariat sera classe dirigeante, et c’est assez dire qu’il y aura encore des classes adverses, qui, dans leur décadence, opposeront encore une résistance. En ce temps l’État, à qui il appartient d’aplanir les litiges entre les classes hostiles, n’aura pas cessé d’exister ; ses arbitrages seront, comme toujours, favorables à la classe dirigeante. Mais, cette classe étant le prolétariat, la législation portera un caractère marqué de socialisme d’État. Elle sera un compromis entre les intérêts de la petite bourgeoisie, qui aura résisté la dernière, et les intérêts prolétariens ; « des infractions despotiques au droit de propriété » seront commises, mais elles atteindront surtout le grand capital. Pour en dresser le programme, Marx et Engels s’inspirent, pour une part de la tradition des Bannis et des Justes, pour une autre part de Pecqueur. Ils s’abstiennent d’emprunter aux projets des utopistes les réformes que l’organisation communiste n’avait pas déjà faites siennes. Ils ont plus tard attaché une importance médiocre à ce programme de transition[1]. Il est aisément reconnaissable que les communistes de 1847, qui le leur ont imposé, furent des artisans, voisins,

  1. Préface de 1872, Manifeste, I, p. 6.